Cenitz Studio
Capsule N°01

Cécile Bortoletti

Cécile Bortoletti a étudié le cinéma et la photographie à Paris-VIII. Elle a présenté en 1997 son travail à Hyères, au Festival International des Arts de la Mode. Son travail est régulièrement publié dans Encens, Elle, Dazed & Confused, Self-service, Purple, Jalouse... Elle a réalisé pendant trois ans les campagnes promotionnelles pour Issey Miyake, mais également des courts-métrages.

Quelle est la vision (le fil rouge, concept fondateur ou encore objectif principal) que vous poursuivez à travers votre travail ?

Je suis photographe, je mets en scène, je crée des images. Parfois -juste- je les ai sous les yeux, c’est quasi instantané et je n’ai pas besoin de faire grand chose. Parfois, c’est plus laborieux, on réalise un décor, on ajoute de la lumière… Je travaille souvent en équipe et chacun fait sa part. On arrive parfois à des choses trop compliquées – c’est facile de se perdre sur un set photo. Il faut alors faire le chemin inverse, enlever les choses les unes après les autres : les lumières, les objets, les détails. Enlever tout ce que l’on peut enlever, ne garder que l’essentiel. Le fil rouge est une émotion qu’il faut abstraire, qu’il faut saisir à nouveau. Dans ma mémoire, celle de l’enfance, j’essaie de retrouver cette émotion. Quand on découvre une image pour la première fois. La mode fonctionne avec des images.

Encens Magazine numéro 50

Campagne Reebok X Hed Mayner 2023

Quelles racines culturelles ou historiques, ou quelles autres disciplines ou domaines de la société ont le plus influencé votre métier/domaine selon vous ?

Je suis née et j’ai grandi à Paris. Je pense que la ville fait partie de mon ADN, peut-être même que c’est Paris qui m’a le plus influencée. Comment définir Paris ? Une ville romantique et révolutionnaire à la fois ? Une ville du passé, sans doute. Une ville pleine de gens dans la rue, des gens pauvres, des gens riches, des artistes. Dès l’enfance, il me semble que le surréalisme (comme mouvement artistique) a produit des antagonismes qui m’ont interrogé, j’ai ressenti la ville à son image. La poésie, la littérature, la liberté, l’architecture. Tous les gens qui sont venus à Paris réaliser quelque chose.

Quels sont les principaux changements que vous avez observés dans votre métier/domaine au fil du temps et les défis qui pourraient survenir dans les prochaines décennies ? Comment reflètent-ils les transformations sociétales et technologiques ?

Le digital, et par extension l’intelligence artificielle. À vrai dire, cela m’intéresse très peu, mais je ressens que le rapport aux images s’est appauvri. Les images ne pèsent pas lourd quand elles n’ont plus grand chose à voir avec une matière première cérébrale. Une image artificielle est un non sens, il n’y a que la réalité qui m intéresse.

Collection numéro 2

Y a-t-il un livre, un film ou une œuvre d’art qui selon vous capture parfaitement l’essence de votre métier ?

Par rapport à la photographie, je me rappelle très bien du film de Michelangelo Antonioni de 1966, BLOW UP, que j’ai du voir assez jeune, un film très marquant. C‘est l’histoire d’un photographe de mode, à Londres, dans les Swinging Sixties, un photographe très désabusé, arrogant, dans des abus de pouvoirs constants comme on pourrait dire aujourd’hui… Et qui s’aperçoit – après coup – en agrandissant constamment une partie de l’image qu’il a faite dans un parc à l’aube – qu’il a été témoin d’un meurtre. Mais rien n’est donné à voir dès le départ. La photo est là, et dans un processus de zoom, de grossissement, de révélation (il la développe lui même dans son labo) il s’aperçoit de la double réalité. Une réalité plus complexe, bien plus difficile à déceler, car un monde en cache un autre. Ce film est construit comme une quête métaphysique.

Imaginons que vous puissiez créer une capsule qui voyagerait à travers l’univers et le temps, qu’aimeriez-vous y mettre à l'intérieur ?

Si je voyageais dans une capsule à travers le temps, j’emmènerais un appareil photo et un polaroid, j’en profiterais pour passer au défunt comptoir Kodak, rue Poncelet dans le 17e, pour acheter des pellicules et des polaroids. Je ferai des images d’une autre époque, pour sûr !

CO SS24

Encens Magazine numéro 50